Peter Knapp et la mode des années 1960-1970



Je pourrais écrire sur l’immense photographe de mode qu’est Peter Knapp : j’ai passé une matinée avec lui – pratiquement en tête à tête – dans les courants d’air glacés du parvis de la Gare de Lyon et les coursives de la Cité de la Mode.
J’ai saisi ces moments privilégiés avec mon iPhone X et un compact Panasonic Lumix TZ 80 (rien de très professionnel !) :
des instants jubilatoires que je veux vous faire partager !


Alors pour le texte, je vous renvoie à l’excellent article de mon confrère du Monde Clément Ghys et publié le 8 mars dernier dans les colonnes de ce grand quotidien.



« Peter Knapp, figure libre de la mode »
par Clément Ghys

La Cité de la mode et du design, à Paris, rend hommage, depuis le 9 mars, à l’artiste suisse Peter Knapp, qui fut directeur artistique chez « Elle » dans les années 1960 et réalisa l’émission culte « Dim Dam Dom ».

Des mannequins qui marchent dans la rue ou qui posent sur la plage, une main qui étend une semelle dans une chaussure en Plexiglas, des visages camouflés ou flous… À première vue, les images de ce portfolio sont des photographies de mode comme les autres. De très beaux clichés, comme on en voit régulièrement dans la presse magazine.

Mais, pour comprendre leur force, il faut détourner les yeux des imprimés des robes ou des décors pop, et lire les légendes. Ces photos ont été prises pour la plupart dans les années 1960 et 1970. À l’époque, elles étaient révolutionnaires. Tout comme leur auteur, Peter Knapp, exposé à la Cité de la mode et du design, à Paris, à partir du 9 mars, et objet d’une monographie aux Éditions du Chêne.

En 1951, ce Suisse de 20 ans débarque à Paris. Il a étudié les arts appliqués à Zurich, et a en tête les principes du Bauhaus. Il ne les suivra ni en architecture ni en design, mais sur le papier. Il travaille pour des magazines comme Le Nouveau Femina, pour les Galeries ­Lafayette ou encore pour Gallimard et la Nouvelle Revue française, dont il redessine le logo.

En 1959, Hélène Lazareff le nomme directeur artistique du magazine Elle, qu’elle a fondé quinze ans plus tôt. « Elle voulait un journal exigeant et sophistiqué, se souvient Peter Knapp, au téléphone, depuis la Suisse. Et elle me laissait très libre. Surtout, elle rêvait que Paris change. » Pour résumer, que la mode française se décoince.

À l’époque, dans les pages des magazines, règnent encore la haute couture et ses codes, déconnectés d’une jeunesse qui s’émancipe doucement, rêve d’aller dans des surprises-parties, de fumer, danser et flirter. Peter Knapp s’amuse encore de « cette journaliste de mode qui pensait qu’un look sportif signifiait s’habiller pour promener son chien avenue Montaigne ».

Dans les séries photo, qu’il signe lui-même ou commande à d’autres photographes, il demande aux mannequins de retirer gants et chapeaux. Il les emmène dans la rue ou sur la plage. Du jamais-vu.

Dans son bureau d’Elle, Knapp lit les journaux anglo-saxons, Esquire ou Harper’s Bazaar, et tente d’insuffler la même liberté à son magazine, de dessiner les contours d’une modernité inédite en France. C’est l’époque où Yves Saint Laurent invente le prêt-à-porter, et André Courrèges la mode du futur. Au même moment, Gainsbourg fait chanter les jeunes filles, Sagan raconte leurs drames, Truffaut et Godard les filment.

S’il ne se sent pas seul, Peter Knapp note pourtant : « Il y avait beaucoup moins de créateurs de mode qu’aujourd’hui. On devait être inventifs avec le peu qu’on avait. » Il se sert du magazine Elle comme d’un laboratoire d’expérimentations, qui trouvent un écho populaire, allant jusqu’à séduire deux millions de lectrices par semaine. Sur les conseils de Lazareff, il fait travailler des artistes. « Le meilleur critère était qu’ils ne viennent pas de la mode. » Les pages de l’hebdomadaire attireront, entre autres, le photographe américain Robert Frank ou l’illustrateur Roland Topor.

En 1966, il quitte Elle, où il retournera dans les années 1970. Entre-temps, il lance Vogue Italia avec le futur directeur artistique de Benetton, Oliviero Toscani. Surtout, il participe à un autre jalon de la culture pop française, en réalisant, à la demande de la journaliste Daisy de Galard, l’émission de télévision « Dim Dam Dom ». Il y filme les actrices et chanteuses du moment : Mireille Darc, France Gall, Marie-France Pisier, Claude Jade, ­Françoise Hardy, Dominique Sanda… Autant de personnalités à l’élégance encore imitée.


À 86 ans, Peter Knapp n’a aucune nostalgie de cette époque, contrairement à beaucoup qui ne l’ont pas connue. « Toutes ces photographies me semblent lointaines », dit celui qui se consacre aujourd’hui au dessin. Il garde une tendresse pour ces images pop, mais peut citer les imprimés Prada de la saison dernière ou les magazines de mode actuels. Il remarque avec humour qu’« aujourd’hui une image de mode parfaite, c’est Kate Moss en pantoufles qui achète des poireaux. Pourquoi pas ? ».

Peter Knapp sait que la tâche du directeur artistique et du photographe est de s’adapter à la commande d’une rédaction en chef, mais surtout à celle d’un lectorat et d’une époque. S’il est heureux de voir son travail salué, il dit : « Il ne faut pas exagérer. On fait des arts appliqués, rien de plus. On n’est pas Rembrandt. »





































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