Artisan d’exception : Ahamed Attaher, bijoutier touareg du Niger (Agadès)

(par Olivier THIBAUD)

Ahamed Attaher exerce son art au Niger dans sa ville natale Agadès située aux porte du Sahara.

Ahamed est un Touareg (1) héritier d’une tradition millénaire.

L'art de l'argent, savoir-faire patrimonial et familial.

Ahamed a ajouté la sculpture de l'ébène au travail de l'argent.

Il a notamment été invité à présenter ses créations au Palais des Beaux-arts de Bruxelles.

Sa clientèle fidèle est en France, en Espagne, en Belgique, en Allemagne…


Ahamed Attaher, héritier d'une longue lignée d'artisans bijoutiers touaregs (il porte ici un pectoral réalisé par son grand père)




Moment d'émotion : Ahamed Attaher admire au Musée du Quai Branly - Jacques Chirac les bijoux réalisés par son grand père

La croix d'Agadès, bijou emblématique

La croix d'Agadès (également Croix d'Agadez) désigne l'exemple le plus populaire d'une catégorie de bijoux berbères sahariens fabriqués particulièrement par les Touaregs, un peuple berbère du Sahara.

Seuls quelques-uns de ces bijoux ressemblent vraiment à une croix.

Il s’agit, pour la plupart d’entre eux, d’un pendentif à silhouette variée, apparentée soit à une croix (tanaghilt), soit à une forme de plaque ou de bouclier (talhakim).

Si les premières d'entre elles étaient fabriquées en pierre ou en cuivre, les forgerons utilisent généralement l'argent et le procédé de fonte dit « à la cire perdue », sans jamais marteler le métal.

La croix mondialement reconnue est celle d'Agadès, un symbole emblématique de la culture touarègue qui est un peuple nomade du Sahara, particulièrement présent au Niger.

Cette croix est souvent fabriquée en fer ou en argent et se caractérise par sa forme distinctive, avec des bras longs et une structure en forme de croix.

Elle est traditionnellement portée par les hommes et les femmes Touaregs et est souvent associée à des rites de passage, tels que le mariage.

En tant qu’élément de la culture matérielle, elle représente non seulement l'identité touarègue, mais aussi l’héritage historique de cette communauté,

Toutes les croix sont issues de la technique de la cire perdue (on fait le moule en argile, on dessine la croix et on fait couler le métal à l’intérieur, enfin on enlève le moule).

On ne frappe pas au marteau sur des croix, mais pour la finition, on peut limer pour un peu un bon ajustage.

Elle représente les quatre points cardinaux (Est, Ouest, Sud et Nord) et fait aussi référence à une région.



 Mohamed Kumama – le grand père de Ahamed Attaher © D. R. in Cram Cram

Assis dans son atelier primitif, Mohamed Kumama – le grand père de Ahamed Attaher - est occupé à fabriquer une croix d'Agadès en argent qu'il a coulée.

Là il est assis et il est occupé à sortir un pendentif en argent du moule.

Il a préalablement formé la croix en cire, entouré ce modèle d'argile finement broyée, séché le tout et refondu la cire.

Cela a donc pris une forme.

Il a fait ensuite fondre deux thalers de Marie-Thérèse (2) dans un petit creuset et les a versé dans le moule, le cassant après refroidissement.

Chaque pièce est donc unique et ne peut être répétée exactement de la même manière.

C'est pourquoi on parle de la technique de la « cire perdue ».

Puis, nettoyé au bain d'acide, il le décore maintenant de fins ornements qu'il cisèle dans l'argent.

Mohamed, issu de la caste des forgerons touaregs sédentaires, est devenu un spécialiste de l'orfèvrerie.

Il travaille l'argent qu'il achète sur le marché sous forme de pièces de monnaie anciennes, les fameux thalers de Marie-Thérèse.

Il n'utilise jamais d'or, car selon un vieux dicton du désert, « l'or gâche le caractère »...



Bijou pectoral en argent réalisé par Mohamed Kumama, le grand père de Ahamed Attaher

Le peuple touareg : une histoire millénaire au cœur du Sahara (1)

C’est une ethnie saharienne demeurant depuis toujours au cœur du plus grand désert chaud au monde.

Peuple ancestral, ils seraient issus des civilisations pré-berbères présentes sur ce territoire depuis environ 7 000 ans avant J-C.

Depuis le Moyen-Âge, ils pratiquent le nomadisme et dominent le commerce transsaharien de la région, des pays méditerranéens à l’Afrique subsaharienne.

Jusqu’au XIXème siècle ils se sont livrés à cette activité à l’aide de dromadaires, ce qui est nommé communément du terme de « commerce caravanier ».

La mobilité liée au mode de vie nomade est associée à la liberté, en plus d’être un impératif vital afin d’accéder aux points d’eau potable et aux pâturages.

Les indépendances africaines qui se succèdent à partir des années 1960 sur les ruines de l’empire colonial français on permis la naissance de nouveaux Etats

Dès lors, le désert du Sahara était réparti entre de nouveaux pays souverains.

Les nouvelles frontières divisent alors le peuple touareg présent sur le sol saharien depuis l’Antiquité, entre l’Algérie, la Lydie, le Burkina Faso, le Niger et le Mali.

A ce jour on compte quelque 1,5 millions de touaregs répartis entre les différents pays notamment au Niger et au Mali.

Ils vivent le plus souvent de l’artisanat, grâce aux savoir-faire qu’ils ont hérité d’une culture ancestrale.



Sacs de selle pour dromadaires : un travail réservé aux femmes

Les femmes en question

Société matriarcale, les touaregs érigent la femme en chef de famille.

Les mythes de la société reposent sur des femmes-ancêtre légendaires.

Ce sont elles qui détiennent les terres, les clés de la tente et son contenu ainsi que l’entière administration des biens et de la fortune familiale.

Ce sont aussi elles qui détiennent le savoir et le rôle de transmission et d’éducation des enfants.

Et même si la loi musulmane autorise la polygamie aux hommes, la femme touareg a érigé la monogamie au sein des couples.

Les femmes touareg disposent d’une liberté totale sur leur corps et leur sexualité; elles peuvent ainsi décider de quitter leur mari quand elles le souhaitent sans avoir à présenter un quelconque motif.

Cette singularité est accentuée par le contraste qu’elle propose avec les sociétés arabes, très proches historiquement et géographiquement des peuples touaregs, où la position de la femme reste fragile face à celle de l’homme.

(1) Mailys Tourly Tarrega dans « Le peuple touareg – une histoire millénaire au coeur du Sahara



Le thaler de Marie-Thérèse a été frappé pour la première fois en 1741, sous le règne de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche.

Il s'agissait d'une pièce de grande valeur, utilisée pour le commerce international.

La fascinante aventure du thaler de Marie-Thérèse

(2) Le thaler de Marie-Thérèse est une pièce d'argent qui a une histoire fascinante et complexe.

Le terme « thaler » provient de « Joachimsthal », une ville minière en Bohême (aujourd'hui Jáchymov en République tchèque), où des pièces d'argent ont été frappées à partir du XVIème siècle.

Le thaler de Marie-Thérèse, spécifiquement, a été frappé pour la première fois en 1741, sous le règne de l’impératrice Marie-Thérèse d'Autriche.

Il s'agissait d'une pièce de grande valeur, utilisée pour le commerce international.

Le thaler de Marie-Thérèse a rapidement acquis une réputation de stabilité et de fiabilité, ce qui a favorisé sa large diffusion.

Il a été utilisé dans de nombreuses régions du monde, notamment au Moyen-Orient, en Afrique, et même en Asie.

Sa popularité était telle qu'il a été frappé dans de nombreux pays, y compris après la mort de Marie-Thérèse en 1780.



Ethiopie : caravane de mules chargées des caisses chargées de thalers de Marie-Thérèse

La pièce porte le portrait de Marie-Thérèse sur l'avers et l'aigle impérial à deux têtes sur le revers.

La date de 1780 a été maintenue sur toutes les frappes ultérieures, même celles réalisées au XXème siècle.

La tranche de la pièce porte l'inscription latine « Justitia et Clementia ».

Le thaler de Marie-Thérèse a continué à être utilisé comme monnaie d'échange dans certaines régions jusqu'au XXème siècle.

Même aujourd'hui, il conserve une valeur en tant que pièce de collection et est parfois utilisé dans la fabrication de bijoux.



Bracelet en argent réalisé par Mohammed Attaher, père de Ahamed Atttaher

L'histoire du thaler et du dollar est étroitement liée

Le mot « dollar » trouve son origine dans le mot « thaler ».

Au fil du temps, la prononciation du mot « thaler » a évolué, et dans certaines régions, il est devenu « daler » ou « dollar ».

Au XVIIIème siècle, le thaler de Marie-Thérèse était une pièce de monnaie très respectée et largement utilisée dans le commerce international.

Lorsque les colonies américaines ont commencé à établir leur propre système monétaire, elles ont été influencées par les pièces d'argent européennes en circulation, notamment le thaler.

L'argent jouait un rôle crucial dans le processus d'immigration, car il était nécessaire pour payer les frais de voyage, les dépenses initiales et l'établissement dans le nouveau pays.

Les immigrants apportaient souvent avec eux les biens et les valeurs qu'ils possédaient, y compris les pièces de monnaie, principalement le thaler provenant d'Europe de l'Est.

Le Thaler de Marie-Thérèse a été très utilisé au moyen orient et en Afrique.

Le dollar s'est répandu dans le monde entier, devenant la monnaie de réserve mondiale.

En résumé, le thaler a joué un rôle essentiel dans l'histoire monétaire, en donnant son nom au dollar et en influençant le développement du système monétaire américain.

Le site web de Ahmed Attaher :

www.maweattaher.com

Événement à venir :



Une vente exclusive qui se déroulera les jeudi 25, vendredi 26 et samedi 27 avril 2024, de 13 heures à 20 heures, à LA MAISON DE L'AFRIQUE :

4 rue Galilée, Paris 16

Métro le plus proche : Boissière (ligne 6)

Cet événement mettra en lumière les collections uniques de deux artistes renommés, Ahamed Attaher, bijoutier touareg du Niger,et Issouf Cissé Farafina, bijoutier designer du Mali.

L'art de l'argent, savoir-faire patrimonial et familial, a été transmis à Ahamed Atttaher par son père Mohammed Attaher et par son grand père Mohamed Kumma dont des bijoux figurent dans les collections du Musée du quai Branly Jacques Chirac.

Ahamed a ajouté la sculpture de l'ébène au travail de l'argent.

En digne héritier, Ahamed a notamment été invité à présenter ses créations au Palais des Beaux-arts de Bruxelles.

Sa clientèle fidèle est en France, en Espagne, en Belgique, en Allemagne.

Issouf Cissé Farafina porte la tradition et le savoir-faire transmis par son père Oumar Farafina connu pour ses collections originales de bijoux, son expertise dans le datage des perles anciennes et la fondation du Musée de perles à Mopti, au Mali.

Sur ses pas, son fils présente ses propres créations à Paris dans la boutique du Musée du quai Branly Jacques Chirac et au Salon Maison et Objet.

Sa clientèle fidèle est en Afrique occidentale, en France, en Belgique, en Italie, aux USA.

Á lire :



Cram Cram, de René Gardi (Éditions Franckh - Stuttgart Allemagne, 1973)

Cet ouvrage relate notamment la rencontre de l'auteur avec Mohamed Kumama – le grand père de Ahamed Attaher



Mission Ténéré, de Roger Frison-Roche (Éditions Arthaud, 1960)

Voulue par l'industriel Paul Berliet, la relation de la plus importante expédition saharienne depuis la Croisière Noire d'André Citroën et qui permit notamment de révéler de très anciennes civilisations.

















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